Suite aux agitations de février 1848, qui aboutit à l’abdication du roi Louis-Philippe le 24 février, celui-ci quitta la capitale pour gagner Le Havre d’où il s’embarqua pour l’Angleterre en compagnie de la reine Amélie. Si la fuite de Louis XVI à Varennes en 1792 est bien connue, celle de Louis-Philippe fut improvisée en quelques heures. Voyageant dans une berline sous un nom d’emprunt, il dormait à Dreux au soir du 24 février et arrivait en vue d’Evreux le lendemain en début d’après-midi. Le roi était accompagné dans sa fuite par deux domestiques, un général et monsieur Maréchal, sous-préfet de Dreux qui s’était joint à eux.
Ce dernier connaissait-il l’existence du château de Melleville ?
Il semblerait que Louis-Philippe ait su qu’il pouvait y trouver un asile sûr puisque le château appartenait à monsieur Auguste Letellier d’Orvilliers, c’était un homme à son service puisqu’il remplissait les fonctions de receveur pour la forêt de Breteuil que le roi avait acquise une dizaine d’années plus tôt. Il fut en tout cas décidé de s’y arrêter. Le château était inoccupé et monsieur Maréchal s’avança en expliquent à monsieur Renard, le fermier qui en assurait la garde, qu’une parente de monsieur d’Orvilliers était souffrante dans la berline et qu’elle souhaitait se reposer. Monsieur Renard accepta de faire entrer les voyageurs dans sa ferme tandis que son épouse leur prépara de la soupe au lait et une omelette puis leur servit de la confiture et de la compote. Louis-Philippe, doté d’un solide appétit, fit honneur à la table avant qu’arrive monsieur d’Orvilliers que le sous-préfet était allé chercher à Evreux. Monsieur et madame Renard apprenaient avec émotion qu’ils avaient le roi et la reine à leur table. Les nouvelles qu’apportaient monsieur d’Orvilliers n’étaient pas bonnes car Evreux était en effervescence.
Le roi et la reine décidèrent de se séparer pour éviter d’attirer l’attention et de se retrouver près de Pont-Audemer. Monsieur Renard parti louer un cabriolet à Evreux et y attela ses deux meilleurs chevaux. Le roi y prit place avec son valet de chambre ; ils quittèrent ensemble le château de Melleville, en prenant soin d’éviter Evreux et en suivant les routes que leur indiquait monsieur Renard. La reine partit de son coté dans la berline et retrouva le roi vers quatre heures du matin à Toutainville près de Pont-Audemer. Les deux équipages se suivirent jusqu’à Honfleur où le couple royale commençait à se sentir plus en sécurité. Déjeunant frugalement dans une auberge, le roi compara son repas à celui de la veille en déclarant « ah monsieur Renard, ce n’est pas l’omelette de Melleville » tandis que la reine Amélie lui offrit l’un de ses bijoux pour le remercier de son aide précieuse.
La tradition rapporte qu’un an plus tard un homme se présenta à la ferme de Melleville et remit un paquet en provenance d’Angleterre contenant une jolie broche avec une carte signée de la reine Amélie.