HISTORIQUE DE LA COMMUNE

L'origine

La commune conserve en divers endroits les traces des premières occupations humaines. Les plus anciens témoignages correspondent à quelques vestiges néolithiques telle une hache de pierre polie en silex jaune découverte à Fumeçon par monsieur Gallerand, instituteur de Guichainville à la fin du XIXe siècle, ou les quelques outils exhumés plus récemment dans un champ entre Melleville et le Buisson Garembourg. Ce matériel préhistorique vient simplement rappeler la présente de l’homme sur le territoire communal, alors seulement recouvert d’une forêt assurant une nourriture diversifiée. Guichainville était tout d’abord traversée par une voie reliant Evreux à Dreux. Son tracé rectiligne se lit dans la campagne puisqu’il correspond à celui du chemin rural courant, au sortir d’Evreux, de l’ouest du parc du château de Melleville jusqu’à quelques centaines de mètres à l’est de Bérou avant de se poursuivre sur Grossoeuvre. Cette voie édifiée à des fins militaires pour assurer le déplacement rapide des légions romaines parcourant une trentaine de kilomètres par jour avait trois mètres de large et était pavée de dalles aujourd’hui disparues. Elle coupait, à l’ouest du Buisson Garembourg, un aqueduc édifié par les romains pour acheminer les eaux de l’Iton au Vieil-Evreux. Ces réseaux, favorisant les contacts entre les communautés humaines s’inscrivent dans un vaste ensemble, dont le site antique du Vieil-Evreux occupe une place privilégiée. En 1996, lors des travaux de percement de la route nationale 154, des prospections aériennes ont permis la découverte d’importants vestiges. Elles ont révélé, à environ 800 mètres à l’est du village, à la Garenne et à la petite Dîme, l’existence de deux sites distincts occupés du Ier siècle avant Jésus-Christ au VIIe siècle de notre ère. Les premières mentions qui soient conservées de Bérou, Melleville et Guichainville remontent au X et XII siècles. La première en 912, concerne la donation des dîmes de l’église Notre-Dame de Melleville par Rollon aux huit chanoines de la Cathédrales d’Evreux ce qui en fait une paroisse très ancienne. La seconde est une bulle du pape Eugène III confirmant en 1152 la fondation de l’abbaye Saint-Sauveur d’Evreux et lui accordant la dîme et le patronage de l’église Notre-Dame. Cet acte est riche d’enseignement puisqu’il place l’église sous le vocable « Notre-Dame » alors qu’elle est actuellement sous la protection des « Trois Marie ». Ce changement semble être intervenu au XVIe siècle lors de la reconstruction de l’église. De même pour Bérou puisqu’Agnès de Pacy offrit en 1150 l’église Sainte-Croix à l’abbaye de Saint-Taurin. Cet acte est suivi en 1215 d’une charte d’Agnès, abbesse de Saint-Sauveur, qui s’engage à assurer les frais d’entretien du chapelain de la Chapelle Sainte-Marguerite du Buisson Garembourg, fondé par Henri, maître de chœur à Evreux. Ces différents actes posent les bases de l’organisation religieuse des trois paroisses qui allaient avoir des destinées très différentes jusqu’à la révolution puisqu’elles constituèrent trois entités seigneuriales distinctes sans compter les fiefs de Fumeçon et du Buisson Garembourg.

Les destins croisés (du moyen age à la révolution)

Les seigneuries de Bérou, Melleville et Guichainville sont toutes attestées au XIIe siècle. La première « Bérou » appartenait, aussi loin que l’on puisse remonter, à Ildevert de Bérou puis au début du XIVe siècle à Robert de Villez, chevalier, qui eut quelques démêlés avec l’abbaye Saint-Taurin puisqu’il voulut récupérer le patronage de l’église Sainte-Croix, c'est-à-dire le droit de nommer les différents curés. La seigneurie échut à la fin du XIVe siècle à une famille Lefranc qui la conserva jusqu’en 1584. La seigneurie passa aux XVIIe et XVIIIe siècles à de nombreuses personnes avant d’être acquise en 1770 par Charles Gabriel de Vieilmaisons. Il fut le dernier seigneur de Bérou et fit construire l’actuel château à partir d’un ancien rendez vous de chasse édifié pour les ducs de Bouillon vers 1740. La paroisse comprenait alors 14 feu (ancienne unité de compte utilisée lors des relevés fiscaux pour recenser le nombre de foyer, environ cinq personnes), soit environ 70 personnes. La seigneurie et la paroisse de Melleville n’étaient pas démographiquement plus importantes que celle de Bérou, puisque l’on y dénombrait à peine une quarantaine d’habitants au XVIIIe siècle. Le seigneur y jouissait par contre de toutes les prérogatives puisqu’il nommait les différents curés de l’église Notre-Dame située en face du château. Melleville relevant originellement des comtes d’Evreux, fut donnée en dot vers 1170 à Jeanne de Navarre lors de son mariage avec Godefroy de Montenay à moins qu’elle ait fait partie des biens cédés en 1190 par le roi Philippe Auguste à Nicolas de Montenay. Melleville demeura dans les mains de la famille Montenay jusqu’en 1458. Cette famille d’épée restée fidèle à la couronne durant la guerre de cent ans étant alors ruinée à cause de ce long conflit achevé en 1453, Jean de Montenay obtint du roi Louis XI l’autorisation de vendre ces biens. La seigneurie fut acquise par Philippe de Fleurigny, qui la cédait la même année à Richard de Guiry. Le domaine changea de mains à de très nombreuses reprises au cours du XVIe siècle avant d’être acheté en 1594 par Jean le Doulx. Ses héritiers accolèrent le nom de leur terre à leur patronyme et la conservèrent jusqu’à la Révolution. L’un des membres les plus important fut, au XVIIe siècle, Claude le Doulx de Melleville, qui fut autorisé en 1651 à ériger sa terre en châtellenie avec le titre de baronnie, consacrant l’œuvre de son père anoblie en 1615. Il fit édifier l’actuel château dont les jardins, assure la tradition, auraient été dessinés par Le Nôtre, jardinier du roi. La paroisse de Guichainville formait un ensemble plus important que Melleville et Bérou puisqu’elle était composée d’une seigneurie et de six fiefs. En 1509, elle dénombrait 62 feux. La seigneurie à proprement parler appartenait au début du XIIIe siècle à Richard de Tournebu dont les héritiers prirent rapidement le nom de leur terre comme Eustache ou Jean de Guichainville en 1227 et 1380. En 1418, elle passe à Robert de Brouillard, qui avait épousé Jeanne de Guichainville. A cette occasion, un acte fut établi permettant de mesurer l’étendue de la seigneurie, qui englobait le Vieil-Evreux, Saint-Luc, Cracouville, mais également les fiefs du Buisson Garembourg, de Fumeçon, de la Plesse et de Gaillarbois situés sur Guichainville. Robert de Brouillard se rangea durant la guerre de cent ans, comme un certain nombre de seigneurs normands, derrière le roi d’Angleterre Henri V. A la fin, il fut dépossédé de ses biens. Six ans plus tard, Guichainville appartenait à Nicolas Le Metayer dont les héritiers semblent avoir résider dans la paroisse jusqu’en 1613, date à laquelle elle fut acquise par Guillaume des Hommets. Ce riche marchand rouennais avait acheté trois ans auparavant la charge anoblissante de conseiller du roi et son petit-fils Pierre des Hommets obtint en 1669, l’érection de sa terre en baronnie, dignité honorifique conférant une certaine noblesse de titre. Il la transmit à son fils Jacques-Jean dont la propre fille épousait en 1735 Louis Augustin Baillard en lui apportant la baronnie en dot. Cette riche famille de parlementaire la conserva jusqu’à la Révolution et le dernier seigneur de Guichainville fut Claude Baillard, conseiller au parlement de Rouen. On dénombrait à Guichainville, six domaines. La plupart comme la Chesnaye, le Gaillarbois, la Plesse ou le Rouge Manoir ont disparu en étant progressivement regroupés avec un domaine plus important avec lequel ils finirent par se confondre. Ce domaine, celui du Buisson Garemboug, fut constitué au début du XIIe siècle, comme en atteste la chapelle Sainte-Marguerite reconstruite à plusieurs reprises, et il gagna ses lettres de noblesse lorsqu’il fut acquis au milieu du XVe siècle par Robert Bence, bailli de Gien. Ses descendants conservèrent la seigneurie jusqu’en 1711 après avoir fait élever l’actuel château. Celui-ci fut édifié dans la première partie du XVIIe siècle puis agrandi au début du XIXe siècle avec la construction d’un étage et du fronton triangulaire central. Le dernier fief de Guichainville était celui de Fumeçon, petit ensemble seigneurial qui conserve une grande part de mystère. Il est mentionné en 1152. Une famille du même nom y est attestée au XIIIe siècle puis différents seigneurs y attachèrent leur nom comme Pierre-Noel en 1562 ou Marie-Madeleine de la Place qui épousait Jacques des Hommets en 1645, avant que le fief appartienne à la veille de la révolution à un certain Delhomme.

Les confluences de la mémoire (de la révolution au XXe siècle)

C’est au son de la cloche, en février et en mars 1789, que se réunirent dans leurs églises respectives les habitants des trois paroisses afin de formuler, comme ils y étaient invités, quelques souhaits et doléances consignés sur les cahiers du même nom. Avec un certain réalisme, les habitants de Melleville demandèrent simplement que les impôts n’augmentent pas à défaut de pouvoir diminuer. Ceux de Bérou exprimèrent un sentiment social plus collectif en réclament une plus grande égalité fiscale et l’attribution de secours pour combattre la pauvreté. Les guichainvillais se montrèrent quant à eux beaucoup plus précis puisqu’ils formulèrent une douzaine de doléances précédées d’un avertissement stipulant que la principale cause du malheur des campagnes provenait du fait que l’intérêt particulier primait sur l’intérêt général. Ils réclamèrent la suppression de plusieurs impôts, comme la dîme et les droits seigneuriaux, demandèrent l’abrogation de la vénalité des charges qui permettait d’acheter un titre de noblesse, sollicitèrent la création de tribunaux dans chaque paroisse et se plaignirent enfin des dégâts causés aux cultures par les animaux sauvages et les trop nombreux pigeons qu’il convenait d’enfermer dans les colombiers. Ces doléances reflétant un sentiment général furent en partie écoutées et contribuèrent à la chute du monde féodal. L’abrogation des droits féodaux en août 1789, puis la création des communes en décembre, en furent les premières étapes. Bérou et Guichainville furent alors rattachées au canton de Grossoeuvre, supprimé en 1800, tandis que Melleville dépendait de celui d’Evreux avant que la révolution vienne détruire les cadres religieux et seigneuriaux. Les curés des trois paroisses, les abbés Laurent, Recusson et Buffet pour Bérou, Melleville et Guichainville, eurent des attitudes différentes face à la constitution civile du clergé. L’abbé Laurent semble avoir accepté d’y prêter serment car il remplissait les fonctions de maire de Bérou. L’abbé Recusson quitta son ministère et la cure de Melleville fut réunie à celle de Saint-Aubin-du-Vieil-Evreux. L’abbé Buffet refusa de s’y soumettre et fut déporté. Il fut remplacé par l’abbé Eschard, curé constitutionnel et maire de Guichainville jusqu’en 1794. Il préféra d’ailleurs conserver cette fonction puisqu’il démissionna de la cure en novembre 1793. L’église fut fermée au culte jusqu’à ce qu’un nouveau desservant, l’abbé Jacques Delaunay soit solennellement installé en janvier 1802 à la tête d’une paroisse regroupant celles d’Angerville-la-campagne et de Bérou. La plupart des domaines changèrent de mains en l’espace d’une ou deux générations. Le dernier seigneur de Bérou, Charles Gabriel de Vieilmaisons, dut se soumettre aux directives républicaines et apporter la plupart de son titre féodal qui furent symboliquement brûlés au pied de l’arbre de la Liberté en novembre 1793. A sa mort en 1797, ses sœurs héritèrent du château et du domaine qu’elles s’empressent de vendre deus ans plus tard à monsieur Pierre Cauchois, riche négociant rouennais, qui avait fait fortune en quelques années. Il fut tout aussi rapidement ruiné sous l’Empire et fut à son tour obligé de vendre. Le château passa alors à plusieurs propriétaires avant d’être acquis par monsieur Laurent. Ses héritiers le conservèrent jusqu’en 1925. Le dernier seigneur de Melleville ne vit pas disparaître le monde auquel il croyait puisqu’il mourut en août 1790. Le domaine échu à son fils Claude le Doulx qui émigrait pour rejoindre les armées contre-révolutionnaires ; son propre frère était emprisonné à la maison d’arrêt d’Evreux pendant un an tandis que le château et le domaine étaient mis sous séquestre afin d’être vendus. L’amnistie accordées aux aristocrates émigrés en 1802 permit à leur oncle de récupérer l’ensemble de leurs biens et de les léguer à Rosalie le Doulx, qui les transmit lors de son mariage à monsieur Auguste Letellierd’Orvilliers dont les descendants en étaient encore propriétaires au début du XXe siècle. La seigneurie de Guichainville, fut quant à elle plus épargnée par la Révolution puisque le manoir demeura jusqu’en 1816 dans les mains de monsieur Claude Baillard qui le cédait alors à monsieur Jacques Bottier, négociant rouennais. Le domaine du Buisson Garembourg traversa la Révolution sans encombre et resta entre les mains de la famille Mathis avant de passer en 1826, par mariage, à la famille de Rostolan qui le conserva jusqu’au début des années 1920. Demeurés plus à l’écart de ces délicates questions successorales, les habitants des trois communes furent tout aussi malmenés à cause du poids écrasant des incessantes réquisitions de blé destinés à nourrir les villes. Dans le même temps monsieur Adrien Moulin avait été nommé instituteur de Guichainville en juin 1794. Il faisait déjà la classe aux enfants, dans ce que l’on appelait alors « les petites écoles », c'est-à-dire qu’il leurs apprenait quelques rudiments d’écriture et de catéchisme enseignés sous l’autorité conjointe de l’Eglise et de leurs parents. Cette première école se situait dans le presbytère et lorsque l’abbé Eschard renonça à son ministère, cette maison fut transformée en mairie et en école. Cette situation dura quelques années jusqu’à la restauration religieuse de 1802 qui obligea la commune à louer une petite maison qui servit d’école jusqu’en 1835. Les enfants d’Angerville, de Bérou, de Guichainville, puis de Melleville furent ainsi scolarisé dans le village, nommé chef-lieu pour l’instruction en septembre 1795 en dépit du départ de monsieur Moulin, remplacé quelques semaines plus tard par monsieur Adrien Esselin. Tous ces bouleversements furent plus ou moins bien perçus par les habitants exaspérés de livrer du grain et de se voir interdire de ramasser du bois dans la forêt. L’un d’entre eux vint symboliquement exprimer l’ire collective en abattant l’arbre de la Liberté le 20 mai 1795, sans être inquiété. La Révolution fondait en fait une pratique de coopération villageoise religieuse et scolaire. Les habitants de Bérou, de Guichainville et d’Angerville décidèrent en 1803 de subvenir collectivement au traitement de l’abbé Delaunay tandis que ceux de Melleville firent le même effort avec Saint-Aubin-du-Vieil-Evreux. La plupart des enfants étaient scolarisés dans le village qui avait ainsi des allures de chef-lieu communal, aussi lorsque les instances préfectorales proposèrent de réunir Bérou et Melleville à Guichainville, nul ne s’y opposa. Bérou comptait alors 61 habitants, Melleville 45 et Guichainville 276. Cette fusion, correspondant à un regroupement de fait, était autorisée par un décret impérial de 1808 et monsieur Alexandre Mathis était appelé à exercer les fonctions de premier magistrat de la nouvelle commune. Ce regroupement faillit à plusieurs reprises, en 1843, en 1853, puis en 1942 être élargi à Angerville pour les mêmes raisons religieuses, scolaires et démographiques mais le projet se heurta à plusieurs refus avant d’être définitivement abandonné. La construction communale passait aux yeux de tous par la restauration de l’église qui avait souffert durant la révolution et semblait un peu petite pour les offices où se rendaient les guichainvillais certes, mais aussi les angervillais. Le chœur fut ainsi reconstruit et une partie du mobilier des édifices religieux détruits, comme ceux de Bérou et d’Angerville ou désaffectés comme celui de Melleville, y fut installé. Cette restauration religieuse se termina en 1845 avec les travaux de restauration du presbytère. Dans le même temps, les membres du conseil municipal décidèrent en 1835 de faire construire une école car les enfants étaient scolarisés dans des conditions très précaires. Monsieur Jacques Metayer, épicier à Evreux, proposait à monsieur Jacques Laurent, maire de Guichainville de 1830 à 1837, de vendre à la commune la propriété qu’il possédait rue de la dîme afin qu’elle puisse servir d’école et de logement pour l’instituteur. Le conseil municipal donnait aussitôt son accord mais il fallut attendre l’ordonnance royale promulguée le 22 mars 1837 pour que la transaction soit effectuée. Ce n’était pas une petite opération puisque cette modeste maison et ses dépendances avaient été estimées à 3000 francs à une époque ou le budget annuel de la commune était de 1300 francs. Cette acquisition vint en fait poser les cadres géographiques du centre du village puisque c’est à son immédiate proximité que furent édifiées la plupart des infrastructures communales. Cette volonté était affirmée une vingtaine d’année plus tard lorsque monsieur Toussaint Buisson, maire de Guichainville de 1852 à 1878, décidait d’acquérir un terrain limitrophe appartenant à monsieur Lebourlier pour y faire construire une mairie et aménager une place publique. La commune était alors dépourvue de mairie et les réunions des membres du conseil municipal se tenaient au domicile des différents élus. La vente du terrain était signée en mai 1858 et monsieur Théodore Fausse, maçon guichainvillais, était chargé de dresser les plans du bâtiment projeté. Il fut achevé en 1861.

Les membres des conseils municipaux d’Angerville et de Guichainville décidaient chaque année du nombre d’enfants qui devaient être gratuitement scolarisés et fixaient le montant du traitement de l’instituteur, tout en établissant le montant de la rétribution que les élèves devaient lui verser. Monsieur Charles Duhamel, instituteur de 1846 à 1866 percevait, par exemple en 1851, un traitement annuel de 600 francs dont environ la moitié provenait de la rétribution scolaire oscillant entre un franc et un franc cinquante par mois selon le niveau scolaire des enfants. Cette situation dura jusqu’aux lois républicaines de 1881 qui instaurèrent la gratuité de l’instruction. Trois ans auparavant il avait été décidé de créer des cours gratuits pour les adultes. Ils avaient lieu l’hiver et durèrent jusqu’à la veille de la première guerre mondiale. Ces efforts de scolarisation se poursuivirent en 1882 avec la création d’une caisse des écoles chargée de récompenser les élèves les plus méritants en leurs remettant des livrets de caisse d’épargne à l’occasion de la distribution des prix et de soutenir les enfants les moins favorisés en leur attribuant des fournitures scolaires. Une première bibliothèque scolaire avait également été constituée en 1867 grâce à des cotisations offertes par quelques familles mais les membres du conseil municipal refusèrent par contre de faire construire une nouvelle école comme le préconisait l’inspection d’académie voyant que 52 enfants étaient scolarisés dans une unique salle de classe de 45 mètres carrés. Ce refus était motivé par la diminution sensible de la population. La commune comptait en effet 382 habitants lors de la fusion communale en 1808 et la population avait régulièrement augmenté durant la première moitié du XIXe siècle pour atteindre 462 habitants en 1866. Elle ne fit dès lors que diminuer pour tomber à 303 personnes au lendemain de la première guerre mondiale. Cette évolution était liée à l’immédiate proximité des lumières de la ville et à la mutation des activités professionnelles. Sur les 450 habitants dénombrés en 1861, 253 vivaient directement ou indirectement du travail de la terre et 123 des activités industrielles dont la moitié du tissage à domicile effectué pour le compte de marchands drapiers. Trente ans plus tard en 1891, les guichainvillais n’étaient plus que 385, l’agriculture organisée autour de 45 exploitations employant 94 journaliers, faisait vivre 303 personnes. Quelques artisans et commerçants – des maçons, briquetiers, un maréchal-ferrant, un épicier et trois cafetiers – animaient la vie de la commune, mais il n’y avait plus aucun tisserand. Quelques années auparavant au cœur d’une guerre voulue par un second Empire présomptueux, l’empire disparaissait dans le désastre de Sedan. La république était proclamée deux jours plus tard, le 4 septembre 1870. Les armées prussiennes commencèrent leur marche à travers le pays. Le 20 novembre un premier détachement du corps d’armée du général Manteuffel, parti de Dreux, arrivait à Guichainville. Face à l’avancée prussienne, le gouvernement avait organisé une armée de défense nationale composée de soldats venus de nombreux départements. Une soixantaine d’entre eux, des mobiles de l’Ardèche et des Landes arrivaient à Guichainville le 22 novembre, ils prenaient position dans le bois de Bérou, dans plusieurs fermes et dans le village. Occupant Evreux, les prussiens lançaient une offensive dans la nuit du 4 décembre. L’engagement dura environ une heure et se termina à l’arme blanche. Le lendemain, à l’aube, la rue des Moissonneurs était recouverte d’une épaisse couche de neige constellé de taches de sang et parsemée de casques et de fusils abandonnés. Mais les mobiles tenaient toujours le village. Les prussiens préparèrent une manœuvre d’encerclement obligeant les soldats français, inférieur en nombre, à battre en retraite. Ils occupèrent alors le village. 58 foyers furent contraints de loger et nourrir ces troupes d’occupations commettant de nombreux vols et larcins avant que le commandant prussien réclame 3400 francs au titre de la contribution de guerre. Elle fut payée par les habitants et s’ajouta aux réquisitions et frais d’occupations, estimés l’année suivante à près de 16000 francs à une époque ou un journalier gagnait environ 500 francs par an. Ils quittèrent le village le 27 février 1871 en occasionnant de nombreux dommages, notamment au manoir qui fut détruit. Ces longues semaines d’occupation ralentirent un peu le développement de Guichainville aussi est-ce avec reconnaissance que les membres du conseil municipal acceptèrent en 1877 le legs de madame Eugénie Barre, décédée l’année précédente, qui offrait plusieurs milliers de francs pour venir en aide aux plus démunis. Son geste généreux correspondait à l’esprit d’une époque où nombreux étaient ceux qui manifestaient leur sollicitude envers leur commune. Ainsi, monsieur Dominique Pencioletti, descendant par alliance de la famille Laurent qui avait possédé le château de Bérou, léguait à sa mort en juin 1918, une importante somme d’argent pour secourir les familles les plus pauvres. Cette politique sociale d’initiative privée s’était également manifestée au niveau scolaire lorsqu’en 1902 les sœurs de la Providence avaient demandé l’autorisation d’ouvrir une école dans la commune. Le conseil municipal, présidé par monsieur Eugène Delaval donnait son accord et l’école Saint-Jean-de-Bosco ouvrait ses portes peu après. De nombreux enfants y furent scolarisés jusqu’à sa disparition en 1965. Comprenant que l’initiative privée ne pouvait suffire, les membres du conseil municipal chargeaient l’année suivante, monsieur Georges Gossart, architecte ébroïcien, de dresser les plans d’un nouveau logement pour l’instituteur, afin de transformer l’école. Les travaux été achevés à la fin de l’année 1905 au moment où la loi de séparation des Eglises et de l’Etat était promulguée. Elle ordonnait à toutes les communes de louer leur presbytère à leur curé. L’abbé Even allait s’y résoudre lorsque monsieur Felix de Rostolan proposa de régler le montant annuel du presbytère à la place du curé. Ce geste d’apaisement permet de comprendre la réalité des tensions qui devaient exister au sein de la commune et dont la politique scolaire avait été l’un des enjeux. Ces désaccords furent rapidement oubliés lorsque les ordres de mobilisation générale imposèrent aux guichainvillais, le 1 août 1914, d’aller rejoindre leurs régiments. Aux ordres de mobilisation succederent les lettres des mères ou des épouses esseulées qui firent face avec courage aux difficultés matérielles. Les membres du conseil municipal, présidé par monsieur Alfred Lambert, décidèrent en septembre 1917 de décerner le diplôme départemental du mérite à quatre guichainvillais s’occupant avec vaillance de leur exploitation depuis le début de la guerre. Deux ans plus tard, les membres du conseil municipal décidaient de faire ériger un monument dans l’enceinte du cimetière à la mémoire des soldats morts aux champs d’honneur. Cette stèle commémorative sculptée par monsieur Mabire, marbrier à Evreux, fut en partie financée par une souscription et fut érigée le 11 novembre 1921. Elle est dédiée à la mémoire des douze guichainvillais morts entre 1914 et 1919. Cette seconde date peut aujourd’hui sembler étonnante puisque l’armistice fut conclu le 11 novembre 1918, mais en fait, seul le traité de Versailles, signé le 28 juin 1919 mit fin à la première guerre mondiale.

Ce devoir de mémoire accompli, les membres du conseil municipal s’attachèrent à doter la commune de nouvelles infrastructures. Ils donnaient en juin 1922 leur accord à la société Agricole d’électricité de la région d’Evreux pour procéder aux travaux d’électrification. Les premières lignes étaient tirées l’année suivante et la société Force et Lumières procédait à l’installation du réseau chez les particuliers dans le courant du premier trimestre. Dans le même temps la chambre de commerce d’Evreux avait proposé de faire établir des lignes téléphoniques. Elles étaient installées en décembre 1922 et une cabine publique fut placée chez monsieur Désiré Dubreuil, cafetier du village, qui fut chargé de délivrer les messages à ceux qui recevaient un appel. Ces travaux se poursuivirent aussitôt par une dynamique campagne de goudronnage des principaux axes de communication traversant le territoire communal, mais ce n’est qu’en 1939 qu’il fut décidé de procéder au revêtement des voix communales, projet retardé en raison de la déclaration de la guerre le 1er septembre. Elle débuta avec l’arrivée de soldats français qui s’installèrent dans le château de Bérou. Ils furent relayés en 1940 par des soldats anglais puis par des aviateurs français qui dissimulèrent dans le petit bois des Fosses Boissière, entre Bérou et le village, quelques avions de guerre, qui venaient de la Somme, au moment, où débuta l’exode de mai 1940 jetant sur les routes des milliers de réfugiés fuyant vers le sud l’avance allemande. La peur succéda rapidement au scepticisme lorsqu’un télégramme destiné aux autorités militaire résidant chez monsieur Robert Allaire, qui était maire depuis 1937, vienne préciser à l’aube du 10 juin que les allemands traversaient la Seine à Vernon. Guichainville basculait dans la guerre. Vers cinq heures trente, une ferme de Fumeçon était bombardée, un soldat était tué et le fermier, monsieur Hebert, blessé. Trois heures plus tard, Melleville était à son tour bombardé. La plupart des guichainvillais vinrent alors grossir le flot des réfugiés avant de revenir dans la commune au fur et à mesure qu’ils étaient dépassés par les soldats allemands. Beaucoup de maisons avaient été pillées et toutes les structures étaient bouleversées. Avec détermination et courage monsieur Allaire entreprit de s’occuper du ravitaillement de toute la population. Il organisait du troc avec le seul boulanger resté ouvert à Navarre en lui donnant du lait pour avoir de la farine et du pain. Il s’y rendit tous les jours jusqu’au 8 août pour nourrir ses concitoyens. Il organisa également l’abattage d’un peu de bétail pour avoir de la viande avant que l’occupation débute. Les allemands s’installèrent au château de Bérou qu’ils quittèrent rapidement à cause de l’absence d’eau courante, ce qui évita une présence trop marquée et justifia, à partir de 1941, les premières études d’adduction d’eau dans la commune. Des soldats français prisonniers furent appelés en décembre 1940 à travailler dans les fermes et devant le risque qu’ils avaient d’être envoyés en Allemagne, deux d’entre eux s’évadèrent. Les autorités d’occupation tinrent monsieur Allaire comme le responsable de leur évasion et il fut sérieusement bousculé et menacé par un sous-officier contre qui il déposa une plainte en préfecture. Les privations, les réquisitions, le couvre-feu étaient alors le sort commun et quelques guichainvillais animés par un sentiment de défiance envers l’occupant refusèrent bien souvent de se plier aux ordres reçus. Lorsque les postes de radio furent réquisitionnés, les guichainvillais s’exécutèrent, mais certains n’apportèrent que la lourde carcasse en bois en conservant le mécanisme intérieur. Cette résistance était un acte d’esprit qui consistait pour l’un à ne pas vendre ses produits ou pour l’autre à refuser un renseignement. Monsieur Bouffard garde-champêtre dissimula ainsi des armes en juillet 1940 dans le cimetière pour éviter de les remettre aux allemands. Monsieur Pierre Allaire cacha de son coté, les pilotes anglais d’un avion abattu, tandis que madame Geneviève Allaire servait occasionnellement d’agent de liaison en portant des messages pour le compte de réseaux de résistance. La nouvelle du débarquement fit renaître l’espoir, avant que les terribles bombardements d’Evreux du 12 juin 1944 fassent craindre le pire. Les guichainvillais firent preuve d’un formidable élan de solidarité en accueillant près de 700 ébroïciens, logés dans toutes les maisons de la commune, tandis qu’ils participèrent aux opérations de secours pour dégager les blessés et les morts des décombres. Deux mois plus tard, le bruit des combats se rapprochait à nouveau de la commune. Le 18 août un convoi de soldats et de matériel allemand était mitraillé par des avions alliés route de Saint-André. Tout était détruit en quelques secondes. Les soldats allemands blessés étaient transportés au château de Bérou, qui était aménagé en hôpital de campagne avant d’être évacué deux jours plus tard. Il fut alors le théâtre d’une escarmouche opposant des soldats allemands à des résistants, dont l’un fut tué et l’autre fusillé à Huest. Le 22 août à l’aube, les allemands établissaient une ligne de défense composée de tanks et de pièces d’artillerie disposés en travers de la plaine, du Bois-Cuvier à Bérou. A dix heures, l’artillerie alliée bombardait Prey puis vers seize heures les premiers obus tombaient sur le territoire communal. A cause d’une erreur de logistique, la moitié de la ligne de défense allemande ne fut plus approvisionnée en munitions et elle resta muette en évitant au village d’être bombardé. A dix-huit heures les premiers soldats américains libéraient Guichainville.

La guerre terminée, les membres du conseil municipal, présidés de 1944 à 1965 par monsieur Pierre Allaire, s’attachèrent aussitôt à poursuivre les études des travaux d’adduction d’eau qui avaient été confiées, à partir de décembre 1941, au syndicat intercommunal de la région d’Evreux Sud regroupant les communes d’Angerville et de Prey. Les travaux consistaient à établir un réseau à partir du captage de Chenappeville situé près de l’hippodrome d’Evreux. Ils débutèrent en 1947 et les premiers branchements étaient effectués en décembre. Les travaux de revêtement des routes furent menés de façon concomitante et à la fin des années cinquante, Guichainville avait l’allure d’un petit village rural situé à la périphérie d’Evreux, où l’on venait parfois se reposer. Le château de Bérou, acquis immédiatement après la guerre par les œuvres sociales de l’EDF, fut aménagé en une maison d’enfants qui fonctionna jusqu’en 1969 au moment où Evreux commença par être aspirée par la croissance industrielle de la région parisienne. Ce phénomène débuta au milieu des années soixante et engendra un bouleversement pour de nombreuses communes de l’agglomération et particulièrement pour Guichainville en raison de sa situation géographique. La poussée démographique en fut la conséquence. La population avait connu une lente croissance depuis 1921 puisqu’elle était passée de 303 habitants à 450 au lendemain de la seconde guerre mondiale. Elle se poursuivit à ce rythme jusqu’en 1962, où l’on recensait 522 personnes. Quinze ans plus tard, la population avait plus que doublé et dépassait la barre des 1100 habitants qui doublèrent à nouveau en une quinzaine d’années pour passer à 2200 personnes en 1990 puis dépasser le cap des 2500 habitants lors du recensement de 1999. Cette rapide croissance transforma une petite commune rurale en un pôle attractif de l’agglomération ébroïcienne en raison de la volonté exprimée par les membres du conseil municipal, successivement présidés depuis 1965 par messieurs Vincent Carof puis François Bibes, certes d’aménager la commune mais surtout d’en contrôler les destinées. Cette croissance ne fut pas subie, mais décidée, encadrée, favorisée et maîtrisée. Une politique volontaire de construction d’ensembles résidentiels fut élaborée à partir de la fin des années soixante. Il s’agissait tout d’abord d’étoffer le village grâce à la construction de plusieurs ensembles de taille humaine comme la Remise, le lotissement de l’Eglise, le Bois Rouge ou les Tourelles. Ces réalisations furent poursuivies au début des années quatre-vingt par une extension géographique de leur aire d’implantation élargie aux différents hameaux tout en densifiant le bourg. Ainsi naquirent la Mare aux chevaux et le Buisson-Lagrue à Fumeçon, les Tilleuls et la sente des Meuniers à Bérou, le Clos de la Noé, plus vaste ensemble réalisé à Mellevile en trois tranches successives, mais également la Grande Contrée, les Terres Blanches et le chemin Sainte-Marguerite dans le village. Tous ces lotissements ont depuis été suivis de biens d’autres. Toutes les infrastructures villageoises durent dans le même temps être redéfinies pour assurer une croissance équilibrée. L’école servit de cadre à la constitution d’un groupe scolaire aménagé en plusieurs étapes correspondant au développement démographique. Une seconde classe était ouverte en 1956 puis une troisième en 1966 tandis qu’un service de repas scolaire était crée dans une salle de réunions édifiée l’année précédente. Ces structures furent doublées avec la construction de trois nouvelles classes en 1972, renforcée en 1978 par l’ouverture d’une école maternelle de deux classes, elle-même agrandie en 1987 avant que quatre nouvelles classes soient édifiées en 1990, un an avant l’achèvement d’un restaurant venant compléter la mutation de l’école de Guichainville en un véritable groupe scolaire comptant treize classes à la fin du XXe siècle. Face à cette croissance la municipalité se voyait proposer en 1975 l’attribution d’un foyer communal de type Mille Club, qui fut en partie montée par les habitants tandis qu’elle caressait le projet de faire édifier une nouvelle mairie. Un terrain fut acquis en 1982 et les plans, dressés par monsieur Jacquiot, étaient approuvés peu après. Les travaux débutèrent en 1984 et furent achevés au début de l’année suivante. La nouvelle mairie permit de libérer, celle qui avait été édifié en 1861 et de la transformer en bibliothèque en 1992 au moment où le conseil municipal chargeait le cabinet d’architecte Adequat de dresser les plans d’une salle de réunions. Elle était achevée en 1994 et son emplacement devant le groupe scolaire et face à la mairie, parachevait la construction du centre du village à l’endroit même où le conseil municipal avait décidé en 1835 de faire élever l’école. L’invention de ces espaces de vie passait par la mise en œuvre d’une politique d’implantation de structures économiques qui puissent assurer une certaine harmonie au développement communal, mais aussi garantir sa longévité. La création de la zone d’activités commerciales du Long Buisson en 1970 en fut la première étape. Elle a depuis été épaulée par une implantation de plusieurs zones artisanales créant un dynamisme diffus grâce à leur localisation en divers endroits du territoire communal. Elles ont fait de Guichainville un pôle économique où une trentaine d’entreprise ont crées près de mille emplois. Une telle croissance impliquait que la commune ne soit pas seulement un des spectateurs de ce développement économique, mais qu’elle en devienne un des acteurs. Cette possibilité lui fut offerte par le schéma directeur d’aménagement régional prévoyant, après la mise en service de la déviation sud d’Evreux en 1994, la création d’un nouveau tracé de structure autoroutière délestant, à partir de l’échangeur du Coudray, le trafic de la route nationale 154, traversant Fumeçon. Les municipalités d’Angerville, d’Evreux, du Vieil-Evreux et de Guichainville décidaient en conséquence de créer un syndicat à vocation économique concentrant leurs moyens afin d’offrir aux entreprises de demain la possibilité de s’implanter dans un espace économique d’importance régionale, spécialisé dans la logistique grâce aux dessertes routières, ferroviaires et aériennes. Adossé aux nouveaux chemins de l’Histoire, cet espace pourrait constituer, sur les champs de mémoire du monde d’hier, l’une des espérances du village de demain.